Juliette Allais est psycho-praticienne et auteur. Elle propose différentes approches thérapeutiques, dont l’analyse transgénérationnelle, de façon à répondre au mieux aux demandes des personnes qu’elle accompagne.
Le travail sur la famille, sur les transmissions familiales et la Gestalt PGRO, la psychothérapie du lien, sont au cœur de sa pratique, qui est multidisciplinaire, holistique et systémique.
Pour elle, la psychothérapie moderne a besoin de se réinventer et de s’orienter vers une pratique multidisciplinaire, où l’on puisse parler aussi bien d’écologie que de trouver sa place au travail ou des relations de couple, de spiritualité, de transmission transgénérationnelle, etc.
Cette approche plus riche, plus intéressante, permet à chaque personne accompagnée de donner du sens à sa vie et de mieux trouver sa place.
L’analyse transgénérationnelle
Comme l’analyse transgénérationnelle, la psychanalyse classique s’intéresse, elle aussi, à la transmission familiale mais se limite toutefois aux parents, ce qui n’est pas toujours suffisant.
En utilisant l’analyse transgénérationnelle, on s’intéresse à la triangulation enfant/père/mère en remontant sur quatre générations, en partant du principe que l’histoire familiale continue à résonner en nous, différemment selon les personnes, mais qu’elle est toujours active.
Comment donc expliquer que quelqu’un que l’on n’a jamais vu et qui a disparu depuis longtemps puisse influencer notre quotidien ?
Il faut considérer les choses sous l’angle de l’inconscient familial, qui transmet des éléments d’une génération à l’autre : l’enfant, jusque trois ans, capte l’inconscient de ses parents et capte des éléments de la psyché familiale, à travers le corps et le climat relationnel. Un événement (la perte d’un être cher, une souffrance, un manque, une difficulté, etc) n’a pas pu être nommé et intégré par la génération qui l’a vécu. Cette génération l’a occulté mais la souffrance, le manque, le non-dit ne disparaissent pas, ils se logent dans l’inconscient puis se transmettent à la génération suivante et d’une génération à l’autre, un peu à la façon d’une pièce jointe qui n’aurait pas été ouverte. C’est une zone de souffrance non nommée qui provoque des vides internes.
Les conséquences de cet événement se transmettent dans la triangulation œdipienne jusqu’au moment où l’on parvient à mettre des mots dessus. En thérapie, on cherche l’origine des symptômes (le manque, la souffrance inexpliqués) pour nommer et intégrer ces événements qui ne l’ont pas été.
Le rôle de l’inconscient
Nous sommes tous issus de familles où, à un moment, il y a eu des difficultés mais nous ne sommes pas des victimes, nous avons la responsabilité de transformer les choses, de mettre de la lumière sur les événements vécus : ce qui est important, c’est ce que nous faisons de cet héritage. Quelle que soit la donne de départ, on peut en faire quelque chose de bien.
L’inconscient est de notre côté, il nous aide, à travers les rêves, par exemple, à mettre de la lumière sur nos difficultés, à nous accomplir : il est nécessaire de lui faire confiance et de l’accompagner au mieux. La vie nous pousse, nous parle, nous envoie des signes pour nous montrer les choses à transformer, à comprendre, à intégrer, elle nous pousse constamment vers l’accomplissement. On peut faire alliance avec la vie et avec l’inconscient pour avoir des réponses : le processus thérapeutique est comme un petit miracle.
Quels sont les symptômes ?
Quand notre vie n’est pas fluide, que nous ne nous sentons pas à notre place, que nous avons la sensation de faire fausse route, que nous reproduisons des situations de souffrance, que nous nous sentons « empêchés », en échec, que certains maux se répètent et nous disent que le corps n’en peut plus d’être à cette place-là, que nous sommes malades, l’inconscient nous interpelle.
Les épreuves de la vie sont des signaux : l’inconscient nous pousse à trouver le sens de ce qui nous arrive et à changer.
Quand la prospérité et l’accomplissement ne se matérialisent pas, que nous ne sommes pas heureux, il est nécessaire de nous pencher sur notre vie. Car, « normalement », nous devrions vivre des rencontres significatives, des réussites, nous accomplir.
L’arbre généalogique
Il y a beaucoup d’arbres généalogiques où l’on peut se rendre compte que les ancêtres ont été « empêchés », ont vécu des moments où ils n’ont pas été complètement vivants…
Nous sommes les premiers à pouvoir faire ce travail thérapeutique et à pouvoir faire le ménage pour rééquilibrer nos arbres généalogiques à l’intérieur de nous, avoir des racines, fonctionner sur nos deux pieds, entrer dans une verticalité.
Nous portons symboliquement cet arbre à l’intérieur de nous, sans en avoir conscience : dessiner son arbre (zones où l’arbre est déséquilibré, trous, ancêtres qui ne prennent pas leur place) permet de remettre chacun à sa véritable place. C’est fondamental car chacun doit avoir une place et être reconnu comme tel, dans sa vraie place de filiation : on ne peut pas être le parent de ses parents, prendre la place d’une sœur disparue, par exemple.
Parfois, il manque des branches ou des personnes, l’arbre ne peut pas tenir debout : pour que l’arbre puisse être équilibré, il faut que soit présente à chaque génération la triangulation père/mère/enfant (et la fratrie), qui se tiennent dans la stabilité du triangle œdipien.
S’il manque quelqu’un, il faut pouvoir symboliquement lui redonner sa place.
Changer sa représentation interne permet de changer l’extérieur : cette mise en ordre intérieure permet d’intégrer sa place dans la filiation, de se trouver bien à sa place dans la généalogie.
Savoir d’où on vient, s’appuyer sur cet arbre pour se verticaliser, pour tenir debout et avoir avec les autres et nous-même des relations moins confuses et beaucoup mieux construites : voilà le but.
Les lois généalogiques
La notion de verticalité et celle de filiation sont essentielles : on les retrouve d’ailleurs dans la Bible et dans tous les textes sacrés.
Les lois généalogiques structurent le vivant : ce sont principalement les interdits de l‘inceste, du cannibalisme et du meurtre. Souvent dans les arbres généalogiques, on retrouve des endroits où ces interdits ont été transgressés : l’inceste est plutôt répandu, les enfants sont « mangés » ou gardés pour soi, les transgressions peuvent être massives.
Nommer ces lois et repositionner, réordonner, retrouver les places de chacun est un travail spirituel qui permet d’éliminer la culpabilité : nommer les manquements passés permet de reconnaître les lois sur lesquelles on peut s’appuyer pour vivre.
Si ces règles n’existaient pas, nous vivrions dans le chaos ; nous sommes tous en lien au travers de l’inconscient collectif, nous sommes interconnectés depuis la nuit des temps, il est donc nécessaire que des lois structurent l’ensemble.
La transgression des lois
L’individu ne peut se développer, fonder une famille, que si son prénom, son nom, sa place dans sa filiation, sa place en tant qu’enfant de ses parents, sont clairs et que les lois sont respectées.
L’inceste, par exemple, peut être psychologique, sans passage à l’acte : l’on vit alors dans un climat de fusion et l’idée que l’on ne peut pas se séparer est présente (sensation de ne pas pouvoir exister sans sa mère, obligation de l’appeler tous les jours, bulle créée sans séparation possible, pas le droit de faire ses choix d’adulte). Ce climat de fusion empêche d’accéder à ses propres choix, de trouver sa propre place, de trouver un conjoint…
Le processus d’autonomisation et de séparation est fondamental et nécessaire au bonheur : à un moment, il faut pouvoir quitter sa mère, grandir et être un individu à part entière. Il faut donc s’affranchir de sa mère, pouvoir se tenir face à ses parents sans être soumis à leur pouvoir, à leur emprise, accepter la filiation mais tenir debout tout seul. La relation doit se faire d’être humain à être humain face à ses parents.
Pourtant, beaucoup de personnes ont du mal à exister en tant qu’individus séparés et autonomes : ils sont encore des petits enfants face à leurs parents. Or être encore le petit enfant de ses parents empêche de trouver sa propre vie.
La relation parents/enfants
Pour que cette relation soit harmonieuse et permette à l’enfant de grandir, d’être équilibré et de s’épanouir, différentes règles doivent être respectées :
- L’enfant doit avoir conscience qu’il a une mère ET un père : la triangulation œdipienne doit être claire. Même si l’on élève son enfant seule, il doit avoir conscience qu’un père est à l’origine de sa conception.
- Il ne doit pas combler les manques de ses parents.
- L’enfant intériorise une partie de ses deux parents : il faut parler de l’autre parent avec respect et neutralité.
- Les parents doivent rester à leur place de parents et leurs problèmes ne concernent qu’eux : les enfants ne sont pas des médiateurs.
- L’enfant ne doit pas s’immiscer entre les parents, il est de la génération en-dessous : il ne doit donc pas dormir entre ses parents ou avec l’un d’entre eux.
- Lorsque l’enfant est adulte, c’est à lui de se prendre en main.
Les symptômes de l’enfant, pour lequel on consulte, révèlent toujours un problème familial et non un problème de l’enfant. Par exemple, beaucoup de mères consultent parce que leur enfant pleure et ne dort pas la nuit : en réalité, elles refusent souvent inconsciemment de le lâcher.
En conclusion, pour guérir de sa famille, l’acceptation est la base ; cesser de se sentir victime, se responsabiliser et transformer les choses, y compris les manques, mène vers l’accomplissement.
Pour découvrir toute la richesse de l’échange et comment Juliette Allais a, elle-même, trouvé sa place dans son arbre généalogique, regardez le replay du live ! Et pour lire notre article sur le livre « Guérir de sa famille », cliquez ICI!