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En coulisses… avec Benoît Allemane

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Benoît Allemane est un comédien et un metteur en scène au parcours incroyable. S’il a joué dans de nombreux films et s’est produit sur de nombreuses scènes de théâtre, il est également une des voix françaises les plus connues : si son nom ne vous évoque rien (ce qui serait surprenant), cliquez sur la bannière, fermez les yeux et écoutez sa voix… Vous l’avez forcément déjà entendue. Qu’elle vous fasse penser à Morgan Freeman, l’acteur américain, à une publicité, à votre film d’animation préféré ou encore au Père Noël, bravo ! Il s’agit bien de Benoît Allemane.

Nous sommes ravis de vous offrir cette interview très inspirante dans laquelle Fanny Huleux a interrogé Benoît Allemane sur son parcours, sur ses rêves d’enfants et sur ses rêves d’adulte et de comédien. Il s’y livre avec simplicité, sincérité et humour et nous emmène dans les coulisses de ce métier qui fait rêver.

Dans cette interview, nous avons inséré des extraits du film « La chambre des Rêves », présenté par l’Office de tourisme de la région de Saint-Omer et dans lequel vous retrouverez notre invité. Pour voir l’intégralité de ce joli film, suivez le guide des Rêves !

Vous pouvez également vous rendre sur le site de Benoît Allemane où vous retrouverez avec bonheur une sélection d’audios et de vidéos qui donnent un aperçu de son immense talent !

Nous vous conseillons de lire l’article et de  regarder l’interview filmée, car le texte ne reflète pas la totalité de l’échange, et de suivre attentivement la carrière de ce grand monsieur, qui, malgré la richesse de son parcours, a encore quelques rêves à réaliser.

 

Du jeune homme au grand monsieur

« Quand je suis arrivé en pension, je me suis mis à rêver, à m’inventer une vie fictive. Le théâtre a peut-être été le prolongement de cette quête inconsciente. » Benoît Allemane

 

De l’enfant turbulent à l’école de théâtre : ne pas se prendre au sérieux

« Le comédien est un véhicule entre l’auteur, le réalisateur et le public. On ne peut pas être triste ou on détériorerait le message que l’on doit porter. Le Père Noël ne peut pas être triste, n’est-ce pas ? » Benoît Allemane

À presque quatre-vingts ans et en soixante ans de carrière, Benoît Allemane a toujours été heureux de faire ce métier, que ce soit dans les petits rôles, les petites réalisations, dans les difficultés, et dans les grands rôles, les grosses productions et la réussite. Prendre du plaisir à être là où on est, savoir apprécier que l’on vous appelle parce que l’on a besoin de vous, le bonheur est peut-être là.

Pendant l’enfance et jusque l’âge de seize ans, le futur comédien s’est beaucoup ennuyé – il vivait seul, la plupart du temps, avec sa mère et sa sœur, son père étant militaire et ses frères plus âgés –  et il attirait l’attention sur lui en faisant le clown… jusqu’au jour où quelqu’un a suggéré à ses parents de lui faire faire du théâtre amateur, une échappatoire pour le jeune garçon turbulent. Il a beaucoup appris et à dix-sept ans et demi, il a été accepté à l’École nationale de Théâtre de Strasbourg, sans réellement connaître la réalité du métier de comédien : il est alors entré dans un rêve qui l’a ensuite toujours porté.

Benoît Allemane considère que le talent n’est pas quelque chose d’inné et que l’on ne réussit pas seul mais grâce aux autres : ne pas l’oublier permet d’avoir le sourire et de ne trop se prendre au sérieux.

 

 

De Claudel à Ustinov : enfiler le costume du personnage

« Quand on travaille un personnage, on doit avoir une connaissance de l’auteur, de ce qu’il est et de ce qu’il veut exprimer, du pourquoi ce personnage agit comme il agit ; il y a un travail d’étude psychologique et comportementale. » Benoît Allemane

Ce travail effectué pour comprendre les rouages psychologiques du personnage permet de « l’amener à soi », d’enfiler le costume du personnage – avec son fonctionnement, ses particularités – lorsque l’on entre en scène… et de le remettre sur un cintre à la fin de la représentation, pour retrouver sa propre vie. Vivre en permanence le personnage serait de la folie : il peut arriver d’être emporté par le personnage, comme le comédien en a fait l’expérience en jouant une pièce de Claudel. Influencé par le caractère fictif de son personnage, il a sublimé des rencontres réelles, en se laissant emporter, par manque de maturité, peut-être, ou par excès d’enthousiasme. Son seul désir était de jouer, de devenir quelqu’un d’autre : être soi n’est pas intéressant pour le spectateur. L’acteur est l’intermédiaire entre le personnage, l’auteur et le public : les comédiens sont là pour lui apporter du bonheur, de la réflexion, des larmes, de l’émotion, du rire…

Dans ce métier, il faut faire preuve d’humilité : l’avis du comédien sur sa prestation peut être très différent de l’avis des autres comédiens ; d’une représentation à une autre, il faut savoir prendre les critiques comme les compliments, sans se jouer à soi-même la comédie.

Benoît Allemane est satisfait de sa carrière, même s’il n’a pas joué tous les rôles qu’il aurait été heureux d’interpréter, qu’il y a des rôles qu’il a joué trop jeune, d’autres qu’il ne pourra plus jamais jouer. Pour lui, l’humilité est essentielle et la suffisance, courante dans ce métier, insupportable. A contrario, Peter Ustinov, un grand metteur en scène et auteur anglais, à l’humour et à l’intelligence extraordinaires, sous la direction duquel Benoît Allemane a joué, faisait preuve d’une humilité totale.

L’osmose entre un réalisateur et ses comédiens est très rare : le comédien doit se laisser guider par la vision, l’image du résultat final, que le metteur en scène a en tête. Lorsqu’elle se produit, jouer est un vrai bonheur.

 

 

Du comédien agacé au comédien heureux : jouer avec toutes les palettes qui nous sont données

« On peut faire du théâtre, du mime, on peut faire, si l’on est doué, de la comédie musicale, on peut faire du cinéma, de la télévision, des Voice-over*, de la publicité, on peut faire son propre spectacle : quel est l’artiste qui dispose d’une telle palette ? À nous de jouer avec toutes les palettes qui nous sont données. Il est là le bonheur. » Benoît Allemane

*(NDLR : traduction audiovisuelle où la voix, contrairement au doublage, est enregistrée sur la bande son d’origine ; on entend la voix de la personne ou de l’acteur en V.O et la voix OFF)

 

Le métier de comédien est d’abord un échange, il doit y avoir une communication et une complicité entre les différents acteurs. Certains oublient pourtant cet aspect essentiel du métier, ce que Benoît Allemane trouve insupportable : du partenaire qui ne regarde pas les autres dans les yeux en jouant à celui qui joue pour s’admirer lui-même, certains travers peuvent être pénibles pour la troupe. Il faut s’ouvrir complètement aux autres et profiter de cette chance extraordinaire de faire un métier qui propose un éventail d’activités incroyable, sans se fermer ou se limiter à un seul style ou à un seul média.

Le matin de l’interview, Benoît Allemane a « fait » deux studios différents : l’un avec un texte complètement loufoque, l’autre avec un texte très sérieux. Il a apprécié tout autant le premier que le deuxième, parce qu’il a pu s’exprimer, sur un mode humoristique, avec des personnages grotesques, et avec sérieux dans l’autre et qu’il a pu transmettre les idées de leurs auteurs.

 

 

Du comédien altruiste au comédien vigilant : aller là où va son cœur, donner mais ne pas se compromettre

« Il faut laisser aller son cœur, ne pas trop le donner à tout le monde : il faut savoir être un peu égoïste, garder une part de secret en soi et aller vers son rêve avec patience. » Benoît Allemane

Les plus beaux souvenirs du comédien sont de beaux souvenirs d’enfance, des souvenirs de moments passés en famille ou des souvenirs liés à son métier et pour lui, ils ont tous la même valeur. Il y a quelques personnages qui émergent lorsqu’il pense à sa carrière mais le fait de pouvoir jouer est ce qui le rend véritablement heureux, en dehors du succès qu’a eu ou non la pièce.

Pour Benoît Allemane, le partage, la capacité de donner sans réfléchir sont essentiels. Son conseil à un débutant serait d’aller où son cœur le porte, de convaincre son entourage, de ne pas laisser les autres l’empêcher de vivre son rêve et de ne pas refuser les petites productions, qui permettent d’apprendre. Lui-même, à ses débuts, lorsqu’il est arrivé à Paris, a fait de la figuration. Certains comédiens débutants attendent qu’on les découvre et attendent LE rôle qui fera décoller leur carrière : c’est, d’après lui, un rêve dangereux. Les jeunes compagnies proposent des rôles, certes peu rémunérés, mais qui permettent d’évoluer, d’avancer et de travailler.

Il conseille néanmoins d’être vigilant : ce métier comporte un certain nombre de personnalités perverses, qu’il est nécessaire d’éviter.

 

 

Du touche-à-tout au transmetteur de poésie : servir un auteur

«  Je sers un auteur, je suis le transmetteur du vers, de la poésie d’un auteur. » Benoît Allemane

Benoît Allemane explore avec bonheur les différentes possibilités de son métier, ce qui lui a permis d’en découvrir toutes les facettes. Question d’éducation peut-être, même s’il joue au théâtre le soir, il n’en travaille pas moins toute la journée, enchaînant travail, interviews ou écriture : il a ainsi plusieurs scénarios, des nouvelles en chantier et un roman en cours. Ce comédien très actif s’est donné encore cinq ans pour jouer, pour travailler et pour servir les auteurs.

Si, dans le métier, certains peuvent lui reprocher ce côté « touche-à-tout », Benoît Allemane assume ses choix et son envie de diversité. Ainsi, il a, par exemple, travaillé pour Jean-Christophe Averty, l’un des plus grands créateurs de la télé, prêtant ainsi son talent à des auteurs comme Raymond Roussel ou Tristan Tzara, de grands surréalistes, par l’intermédiaire du réalisateur. Le comédien a une vision très claire de son métier, qui consiste, pour lui, à se mettre au service d’une vision artistique, à servir un texte, un auteur, et non à viser uniquement le fait d’avoir son nom en grand sur une affiche ou d’obtenir des critiques extraordinaires.

 

 

Du Père Noël à Morgan Freeman : emmener les autres jusqu’au bout de leur rêve

« Je ne suis pas Morgan Freeman. Je ne fais pas venir trois millions de spectateurs pour ma voix, je suis là pour le servir et pour traduire son talent. » Benoît Allemane

Benoît Allemane a prêté sa voix de nombreuses fois au Père Noël, faisant ainsi le bonheur des enfants (et de leurs parents !). Il nous raconte avec humour une anecdote qu’il a vécue : il est un jour arrivé dans un studio pour un direct sur le web et la productrice l’a présenté comme étant le Père Noël à deux enfants, alors qu’il était encore en vêtements de ville. Il s’est alors adressé aux petits : « Vous ne croyiez tout de même pas que j’allais prendre le métro avec mon costume ? »

« On a vu le Père Noël ! » ont retenu les enfants. C’est cela aussi « servir », estime le comédien, célèbre également pour prêter sa voix à l’acteur américain Morgan Freeman, c’est emmener les enfants au bout de leurs rêves et traduire le talent d’un autre artiste, sans le trahir. Le doublage nécessite le même travail psychologique que lorsque l’on endosse un rôle : il faut éprouver les mêmes sentiments que le personnage incarné dans le film, adopter la même respiration que l’acteur, le faire connaître aux spectateurs, faire passer le message qu’il a voulu faire passer… C’est également un grand jeu auquel Benoît Allemane se prête avec beaucoup de plaisir. L’acteur donne quelque chose de lui, tout comme le doubleur donne également une part de lui.

Benoît Allemane admire beaucoup Morgan Freeman, qu’il accompagne de sa voix depuis de nombreuses années : « C’est un homme d’une richesse phénoménale, qui défend des causes humanitaires, qui produit des documentaires… Dans tout ce qu’il fait, il y a toujours cette bienveillance, ce regard, cet amour de l’Homme. Je trouve cela magnifique, il embellit les choses.»

Un des regrets de Benoît Allemane est de n’avoir pas pu le rencontrer comme cela était prévu pour un projet sur le débarquement, qui n’a finalement pas vu le jour.

 

 

Du cancre au metteur en scène : avoir la tête dans les nuages

« Nous, jeunes élèves, nous côtoyions nos aînés, nous les voyions partir en tournée avec le car, avec les décors,  et nous nous disions :  « Oh, la vache ! Ils ont de la chance ! ». Puis ça a été notre tour. Ensuite, j’ai voyagé avec d’autres troupes en France, c’était la continuité du rêve et sa concrétisation. Aujourd’hui encore, je suis toujours un peu la tête dans les nuages. » Benoît Allemane

 

Le comédien, qui s’ennuyait beaucoup à l’école, a été, d’après lui, un cancre, ce qui a conduit ses parents à le mettre en pension. Il a vécu le pensionnat comme un abandon, ce qui l’a poussé à rêver, à s’inventer une autre vie. Ce monde de rêves et le monde du spectacle se sont rejoints lorsqu’il a intégré l’École nationale de Théâtre de Strasbourg. Benoît Allemane a beaucoup apprécié cette période, l’esprit de troupe qui existait alors et qui existe encore, de nos jours, en Province. Aujourd’hui, il travaille au théâtre, à la radio, en Voice-Over, à la télé mais regrette un peu cet esprit, qu’il espère retrouver en janvier, avec un spectacle qu’il jouera en suisse : il y sera le seul comédien mais sera accompagné d’un quintette de jazz.

Il aimerait reprendre également un spectacle qu’il a déjà joué seul, « Dans le fourré », d’après une nouvelle japonaise, de Rynosuke Akutagawa, qu’il a adaptée et mise en scène lui-même. Dans ce spectacle, la victime et les cinq témoins d’un meurtre témoignent à tour de rôle. Les spectateurs s’interrogent alors sur ce qu’il s’est réellement passé et Benoît Allemane aime observer leurs réactions et répondre à leurs questions, notamment celles des ados, qui, entre les jeux de rôles et les jeux vidéo, ont l’habitude de mener l’enquête et adorent se retrouver dans un jeu à grandeur humaine et non plus à taille d’écran.

 

 

Du malade à l’auteur : se poser des questions

« Pour moi, nous sommes de magnifiques lampes électriques avec, à l’intérieur de nous, un filament qui brille, et qui brille avec une énergie qui arrive au culot de la lampe. Un jour, le corps dit qu’il en a marre et le filament casse mais l’énergie est toujours là… » Benoît Allemane

Benoît Allemane a eu des problèmes de santé, un cancer, il y a quelques années, pour lequel il a été opéré de nombreuses fois et pour lequel il a subi une chimiothérapie, et la Covid, l’année dernière. De ces expériences, des nuits d’hôpital, des rencontres, il a tiré une nouvelle dont il aimerait faire un spectacle. Il a également écrit sur la mort avec, pour point de départ, le poème de Francis Carco, « Les morts ne dorment pas tous étendus sous terre », et qui raconte l’histoire d’un cimetière, de ces morts qui y résident, des personnes qui viennent les visiter, de l’homme d’entretien qui nettoie les tombes… Il est difficile de traiter ce sujet en France et d’être publié, les uns crient au sacrilège, les autres crient à la moquerie.

Lorsqu’il avait treize ans, Benoît Allemane a perdu l’un de ses frères, tué en Algérie. Les salves d’honneur, les drapeaux, les pleurs, les jeunes soldats qui portaient le cercueil l’ont marqué et lui avait donné, déjà, l’idée de se questionner et d’écrire sur ce sujet.

 

Du gamin au comédien : le plus grand rêve de Benoît Allemane

« Lorsque j’étais gamin, la fenêtre de ma chambre, à Nancy, donnait sur une succession de petites maisons basses ou hautes, avec ou sans jardin, avec des arbres, des marronniers, la tour d’un observatoire, un ferrailleur, une maison qui se construisait, les tours de la cathédrale. On dominait tout ça et un jour, j’ai vu chez le ferrailleur, plus bas, le vieux pépé qui venait tous les vendredis, se mettre sur sa chaise de paille… à côté d’une bascule rouillée, de tas de cartons, de plomb – comme chez un ferrailleur – et ouvrir la Torah. Au fond, il y avait les cloches de la cathédrale qui sonnaient six heures et, sur le chantier à côté, il y avait un musulman qui faisait sa prière. C’est cela mon rêve, la tolérance. » Benoît Allemane

Le plus grand rêve de Benoît Allemane, c’est cette tolérance ressentie pendant l’enfance à la vue de ces trois religions qui se côtoyaient, de ces trois symboles qui se sont gravés dans sa mémoire. L’acceptation des différences de l’autre, pas seulement religieuses, mais dans tous les domaines. On aimerait parfois vouer les autres à d’autres destins, nous dit-il, même si nous ne le pouvons pas.

 

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