Yves-Alexandre Thalmann est auteur de livres, professeur de psychologie et coach. Il contribue au magazine « Cerveau&Psycho » depuis plusieurs années avec la chronique « L’envers du développement personnel ».
Fanny Huleux l’a interrogé sur le thème des bonnes résolutions et notamment sur son livre « Cette fois, c’est la bonne ! Tenir ses bonnes résolutions et réaliser (enfin) ses objectifs grâce aux pactes d’Ulysse ». Pour voir l’interview filmée, cliquez sur la bannière !
Qu’est-ce que le pacte d’Ulysse ?
Ulysse, le héros de la mythologie grecque, personnage central de l’Odyssée, souhaitait entendre le chant des sirènes, tout en sachant qu’il serait envoûté et souhaiterait les rejoindre, se précipitant ainsi vers une mort certaine. Pour ne pas succomber à la tentation, il ordonna donc à ses compagnons de se boucher les oreilles avec de la cire puis de l’attacher au mât du bateau et de ne pas le détacher lorsqu’il l’exigerait.
Par extension, un pacte d’Ulysse est une décision prise librement mais à laquelle on est liée dans le futur grâce à une contrainte, décidée par nous mais qui ne dépendra plus de nous : ce pacte permet de se placer volontairement dans l’incapacité de dévier de sa décision.
Pourquoi est-il aussi difficile de tenir ses engagements ?
Les gens essaient de faire les choses toujours de la même façon, en pensant qu’il s’agit de faire preuve de volonté et que, cette année, les choses seront différentes. Ils pêchent par optimisme et oublient les précédents échecs.
Les bonnes résolutions n’apportent pas de gratification immédiate, cette gratification est différée et les résolutions représentent un effort. Or, notre société permet d’obtenir de nombreuses choses très rapidement et le plaisir immédiat (consulter les réseaux, regarder un film, voir ses amis…) est très accessible.
Tenir ses bonnes résolutions demande de sacrifier une part de plaisir immédiat, ce qui place devant le choix suivant : se faire plaisir ou se donner la peine de…
Les clients de Yves-Alexandre Thalmann sont des personnes qui se sont déjà heurtées à leur optimisme, qui ont déjà essayé et échoué. Il leur tient un discours leur permettant de prendre conscience qu’il faut payer ce prix : lâcher le plaisir immédiat et faire des efforts. Les étudiants, par exemple, doivent comprendre que réussir des études ne se fait pas sans effort.
Comment repérer les tentations et les déjouer ?
lors de ses consultations, Yves-Alexandre Thalmann repère très vite les déclencheurs. Les notifications des réseaux sociaux, les écrans et les aliments sont les déclencheurs les plus courants.
Les personnes qui souhaitent supprimer complètement ces distractions appauvrissent leur vie. Il faut donc garder des éléments de plaisir et déterminer lesquels contrecarrent le plus les projets que l’on a.
Les chercheurs en psychologie ont observé des personnes qui réalisent leurs objectifs et qui affirment avoir de la volonté : ils se sont rendu compte que ces personnes n’ont en fait plus d’éléments déclencheurs, de tentations, dans leur environnement. L’enjeu ne consiste donc pas à faire preuve de plus de volonté mais à supprimer les tentations et à mettre en place un environnement qui soutient la volonté.
Il faut se prémunir contre le chant des sirènes.
Le pré-engagement
Le soir du réveillon, nous prenons des décisions que nous appliquerons plus tard et qui nécessitent une lutte contre soi-même.
Le pré-engagement suppose, lui, de la douceur envers soi-même et du lâcher prise : il s’agit de mettre en place un cadre qui va permettre de respecter ses engagements.
Prenons, par exemple, un étudiant qui passe beaucoup de temps devant des écrans : il commence à travailler puis reçoit une notification et passe deux heures sur les réseaux. Yves-Alexandre Thalmann déconseille de supprimer complètement les réseaux mais plutôt de limiter le temps passé à swiper, en installant une application de blocage et de programmer le temps limite que l’on souhaite passer sur les réseaux avant que l’application ne bloque le téléphone. Cette façon de procéder, qui ne laisse pas d’autre choix que de respecter son engagement, est particulièrement efficace.
On peut également s’engager auprès d’une autre personne ou s’astreindre à investir de l’argent, ce qui demande un sacrifice, et que la sanction soit immédiate (perte de l’argent investi) lorsque l’on ne respecte pas son engagement.
L’aversion à la perte
La bienveillance, « veiller au bien », est à différencier du bien-être. Yves-Alexandre Thalmann insiste sur cette différence : tenir ses résolutions n’est pas toujours agréable mais le résultat est, lui, gratifiant.
Changer de comportement est plus important que comprendre son comportement, qui implique une part d’autocomplaisance.
Le changement survient lorsque les bénéfices que l’on retire du changement sont plus importants que les désagréments liés au changement.
Mettre en place un système de récompense est moins efficace que l’aversion à la perte. Le problème est que nous nous récompensons nous-mêmes, c’est-à-dire que nous pouvons décider de nous attribuer la récompense pour nous encourager, avant même d’avoir réalisé l’action, ou nous récompenser constamment. Un système d’amende, que l’on ne peut pas éviter et dont le coût est important, serait donc plus efficace.
Il faut aller au-delà du prix que nous sommes prêts à payer pour qu’il soit réellement dissuasif. Par exemple, en voiture, nous roulons parfois un peu au-dessus de la vitesse autorisée, en risquant ainsi une petite amende… mais nous évitons de rouler très au-dessus pour ne pas perdre son permis ou se faire immobiliser sa voiture.
Le principe est le même pour les bonnes résolutions : la perte, le coût, doivent être importants et immédiats.
C’est pour cela qu’il est aussi difficile d’arrêter de fumer : la gratification, le plaisir sont immédiats et les inconvénients, la maladie éventuelle, sont éloignés.
Les leviers motivationnels
Se fixer des objectifs, des défis permet de se motiver. Par exemple, on peut se fixer l’équivalent en kilomètres de la traversée de l’Atlantique à la nage, sur l’année, pour se motiver à aller à la piscine.
Établir une routine est essentiel. La routine permet de ne plus se poser la question de l’utilité de ce que l’on fait, de l’envie que l’on a de le faire, etc, et donc, permet de ne pas remettre en question sa motivation régulièrement. Elle permet de passer en mode automatique et d’agir.
Pour aller plus loin, nous vous proposons de lire le livre de Yves-Alexandre Thalmann et de consulter notre article sur le bienfait des routines, ICI.