Lorsque le contexte est complexe et que l’extérieur nous semble menaçant, nous avons tendance à nous laisser envahir par nos émotions et par nos peurs au lieu de rester rationnels. De plus, notre approche de la réalité n’est jamais totalement objective : nous avons tendance à ne voir que ce qui correspond à nos croyances initiales, ce qui tend à les confirmer et crée des convictions profondes, difficiles à transformer, qu’elles soient justes ou erronées.
Les biais cognitifs
Les biais cognitifs sont des erreurs de raisonnement et de traitement des informations. Ils nous conduisent à accorder une importance différente à des faits de même nature. Notre perception, notre évaluation et notre interprétation des faits sont souvent faussées par ces biais cognitifs.
Parmi eux, le biais de confirmation est celui qui nous pousse à ne repérer que les faits qui corroborent nos croyances initiales, en négligeant totalement ceux qui pourraient nous donner tort.
C’est ce qui explique que lors d’une discussion sur un sujet sur lequel il existe de nombreuses informations différentes, parfois contradictoires, vous puissiez vous dire de votre interlocuteur : « Mais enfin, il nie l’évidence, il ne voit pas ces faits qui sont pourtant avérés ! »
Non, effectivement. Il ne les voit pas. Tout comme vous en ignorez d’autres parce qu’ils ne correspondent pas à vos convictions.
Le concept de « biais cognitif » a été mis en lumière au début des années 70 par les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel en économie en 2002) et Amos Tversky, pour expliquer les raisonnements irrationnels dans le domaine économique. Depuis, ces biais ont été identifiés en psychologie cognitive et sociale.
Une étude menée sur ce sujet (Lord, Ross & Lepper 1979, Oswald & Grosjean 2005) a démontré que les participants utilisaient les informations données pour confirmer leurs opinions :
Deux groupes de personnes ont reçu chacun un document présentant des conclusions différentes sur les effets de la peine de mort sur le taux de criminalité. Le premier groupe recevait un document indiquant que cet effet était positif, le deuxième groupe qu’il était négatif. Chaque document comportait une mention pointant les faiblesse de l’étude qu’ils avaient entre les mains. Malgré cet avertissement et quelles que soient les conclusions de l’étude reçue, les participants ont tous utilisé les éléments de l’étude de façon à confirmer leur position initiale sur ce sujet.
Cette étude illustre parfaitement le biais de confirmation : nous ignorons ce qui contredit notre hypothèse de départ pour ne prêter attention qu’aux éléments qui la confirment.
De plus, les moteurs de recherche d’internet proposent une recherche prédictive en fonction du profil de l’utilisateur mais aussi en fonction des utilisateurs qui lui ressemblent. Lorsque nous recherchons une information, le moteur de recherche va ainsi venir conforter nos opinions en ne contredisant pas nos biais de confirmation.
À ce stade de votre lecture, posez-vous cette question : êtes-vous toujours aussi fermement convaincu·e que vos opinions et vos peurs sont basées sur un raisonnement rationnel et une réelle objectivité ?
Si, en plus, vous observez votre voisin qui rejette toutes les informations négatives et fait preuve d’insouciance face au contexte actuel (un biais cognitif, nommé « effet d’autruche », qui l’empêche de croire à l’existence d’une pandémie) ou que vous écoutez votre cousin qui affirme avoir découvert un complot sanitaire destiné à faire disparaître une partie de l’humanité (un biais cognitif lié à la sur-confiance, présent chez des individus incompétents en la matière mais ayant une vision trop flatteuse de leurs capacités et de leur compréhension du monde), il y a de quoi être perdu·e.
Quand les émotions s’en mêlent…
Nos émotions, et notamment nos peurs, limitent nos capacités à avoir un raisonnement efficient, s’ajoutant ainsi aux biais précédemment évoqués.
Lefford (1946) a démontré que le raisonnement déductif était influencé par la valeur émotive du contenu : les compétences de raisonnement d’un individu sont ainsi moins bonnes lorsque le contenu comporte une part émotionnelle. Ces résultats ont été validés par d’autres études qui ont confirmé l’importance des émotions dans notre capacité de raisonnement.
À ce stade de votre lecture, demandez-vous si vos convictions ne pourraient pas, de plus, être basées sur un raisonnement altéré par vos émotions.
Intéressons-nous maintenant de plus près à l’anxiété, qui repose sur l’anticipation des événements, nous pousse à échafauder des scénarios catastrophe, et qui a pour point de départ une peur qui n’a souvent que peu de fondement, disproportionnée par rapport à la réalité.
Prenons l’exemple de madame X :
Il y a quelques jours (article publié en juillet 2021), le gouvernement a annoncé que le pass sanitaire (reposant sur la vaccination ou la réalisation d’un test) serait étendu à différents lieux (lieux culturels, bars, restaurant, etc) et applicable aux adolescents de 12 à 18 ans.
Madame X en a conclu que ses enfants ne seraient pas acceptés en classe s’ils n’étaient pas vaccinés, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elle angoisse donc beaucoup (elle est contre la vaccination) et se projette dans l’avenir : elle va devoir quitter son travail pour s’occuper de ses enfants et les scolariser à la maison. Elle aura donc moins d’argent, ce qui va plonger la famille dans la précarité.
Si madame X laisse son anxiété la diriger, elle peut en arriver très rapidement à la conclusion qu’ils vont se retrouver dans la rue et devoir mendier leur nourriture.
Comment déjouer les effets du biais de confirmation et ne pas se laisser diriger par ses émotions ?
Le biais de confirmation est un procédé souvent inconscient ; pour le contrer, il est nécessaire de prendre conscience de son existence, de rechercher des sources d’information fiables (si mon voisin n’est expert en rien, il n’est pas considéré comme une source d’information fiable) et de se forcer à prendre tous les éléments en compte, même ceux qui contredisent ce que nous pensons.
Le problème ? La plupart des gens refusent de penser que leur raisonnement pourrait en être affecté, préférant penser qu’ils sont constamment rationnels (et qu’ils ont raison).
Accepter que notre raisonnement pourrait être faussé revient à accepter notre vulnérabilité, ce qui demande courage et travail sur soi.
En ce qui concerne les émotions, quel que soit le contexte, il est essentiel de savoir les gérer (vous pouvez lire ICI notre article à ce sujet) : il ne s’agit donc pas de les faire disparaître mais de ne pas se laisser diriger par elles, ce qui demande de la pratique et de la discipline. Mais c’est ce qui permet de vivre le moment présent et de retrouver de la sérénité, afin d’avoir une prise sur sa propre vie et de prendre des décisions adaptées aux situations extérieures comme à nous-mêmes.
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